La bataille faisait encore rage, qu’elle était déjà connue de la planète entière et entrée dans l’histoire. Elle allait marquer durablement la mémoire des hommes et, en premier lieu bien sûr, la mémoire de ceux qui y avaient participé. « Plus jamais ça », formule lapidaire mais explicite, maintes fois entendu dans la bouche de ceux qui avaient connu la réalité du « ça » : « l’enfer de Verdun ». Maintenant que ces combattants ont tous disparu, il reste à faire connaître aux générations d’aujourd’hui et à celles de demain, ce que fut l’événement majeur de la Grande Guerre : la Bataille de Verdun, et ses terribles réalités. C’est la connaissance du « ça » qui amènera chacun à une réflexion sur les guerres et les drames qu’elles provoquent.
Pour cette raison, davantage que le devoir de mémoire régulièrement invoqué, s’impose aujourd’hui le devoir d’histoire, et donc le devoir d’expliquer, d’enseigner les faits qui se sont produits, avec le seul souci de leur exactitude et l’impérieuse nécessité de conserver, au plus près de la réalité, les traces et les symboles de ce que furent les combats. Sans récupération idéologique d’aucune sorte.
Les témoins de Verdun
Cependant, durant la guerre et dans les années qui suivirent, jusqu’à une période récente, le souci de se souvenir de ces combats et d’honorer les soldats, morts ou vivants, fut au cœur des préoccupations de la nation dans son ensemble, et surtout pour les combattants. Témoigner de leur expérience était devenu un devoir. Ne pas témoigner aurait constitué une sorte de trahison à l’égard de leurs camarades qui n’étaient pas revenus du champ de Bataille. Dès 1916, Maurice Genevoix écrivit un récit témoignage des combats de 1914 « sous Verdun » qui décrit, jour après jour, sa propre expérience de jeune officier et le quotidien des combats auxquels il a participé en Argonne, à la ferme de Vaux Marie puis aux Eparges. Au lendemain de la guerre, de nombreux récits tentèrent de décrire les horreurs de la guerre. Ces combattants, se méfiant des discours grandiloquents et des récits mythiques, avaient avant tout le souci de décrire ce qu’avaient été « leur » guerre et leurs souffrances. Se souvenir et transmettre était aussi un devoir à l’égard des générations futures.
La médaille de Verdun
Le souci de perpétuer le souvenir des combats s’impose également aux différentes autorités.
Le 20 novembre 1916, en pleine guerre, en pleine bataille, le Conseil Municipal de Verdun alors installé à Paris, dans les locaux de la rue de Bellechasse, siège aujourd’hui du ministère des Anciens Combattants, décide la création de la Médaille de Verdun attribuée « aux grands Chefs, aux Officiers, aux Soldats, à tous, héros ou anonymes, vivants et morts… ». La Ville de Verdun « inviolée et debout sur ses ruines la dédie en témoignage de sa reconnaissance ».
Quelques semaines auparavant, le Chef de l’Etat, Raymond Poincaré, est présent à la citadelle souterraine. Il vient remettre à la Ville de Verdun la Légion d’Honneur et la Croix de Guerre, ainsi que plusieurs décorations de puissances étrangères. Dans un discours devenu historique, il entérine, avec quelques mois d’avance, la défaite de l’Allemagne à Verdun : « Voici les murs où se sont brisées les suprêmes espérances de l’Allemagne impériale. C’est ici qu’elle avait cherché à remporter un succès bruyant et théâtral. C’est ici qu’avec une fermeté tranquille, la France lui a répondu « on ne passe pas ». La formule « Verdun, on ne passe pas » devient la devise inscrite sur la médaille de Verdun.
Le 26 avril, 1922, le Conseil Municipal décide que la médaille sera décernée aux « combattants des armées françaises et alliées qui qui se sont trouvées en service commandé entre le 31 juillet 1914 et le 11 novembre 1918 dans l’Armée de Verdun, secteur compris entre l’Argonne et la hernie de Saint-Mihiel, dans la zone soumise au bombardement par canon (bombardement par avion exclu) ». Dans le même mouvement est ouvert le « Livre d’or des Soldats de Verdun » et créée la commission du Livre d’Or, chargée d’examiner les justifications des combattants ou de leurs familles qui la sollicitent. Aujourd’hui encore, presque cent ans après la bataille, les descendants des combattants demandent copie des pages du livre d’or où figure le nom d’un membre de leur famille ayant participé aux combats.
Verdun et le soldat inconnu
C’est également en novembre 1916 que fut exprimée pour la première fois l’idée de faire reposer au Panthéon un soldat anonyme. L’idée allait faire son chemin et sera adoptée en novembre 1919 par l’Assemblée Nationale. Finalement l’Arc de Triomphe sera choisi pour accueillir le héros anonyme. C’est à Verdun, lieu hautement symbolique, qu’il sera choisi parmi huit combattants « dont l’identité comme française est certaine mais dont l’identité personnelle n’a pu être établie », issus des huits grands secteurs de combats de la Grande Guerre (Artois, Somme, Île-de-France, Chemin des Dames, Champagne, Lorraine, Verdun et les Flandres).
Le 10 novembre 1920, dans la citadelle souterraine, le soldat Auguste Thin choisit le 6ème cercueil, 6 car il appartient au 6ème corps et au 132ème RI dont les chiffres cumulés donnent également le chiffre 6.
Le cercueil choisi est transféré à Paris et présenté solennellement à l’Arc de Triomphe le 11 novembre 1920, sous lequel il sera définitivement enterré en 1921. Une flamme sacrée est installée sur le tombeau et allumée pour la première fois le 11 novembre 1923. Tous les ans, la flamme Sacrée est acheminée par des marcheurs de Paris à Verdun et brûle dans la crypte du monument aux morts du 1er au 11 novembre. Les sept autres corps sont inhumés au cimetière militaire national de Verdun.